Patrice Quélard

Écrit pour le plaisir ou pour amuser la galerie (petites nouvelles entre copains, puis fanzine étudiant, puis blog d’humour et d’opinion), depuis le collège. Dans l’idée de publier un livre un jour, peut-être, depuis vingt ans.

En se donnant vraiment les moyens de publier un livre, depuis dix ans. Quand il dit « se donner les moyens », il parle là de volonté, de travail, d’acharnement même, pas de moyens financiers… Quoi que, nous dit-il, « envoyer des manuscrits aux maisons qui ne prenaient que du papier, c’est un budget » !

En résumé, il a toujours eu des dispositions pour ça, ses profs l’avaient remarqué dès la primaire. Mais entre avoir des dispositions et publier un bouquin digne d’être lu, il y a à peu près… tout un monde.

L’auteur voulait être enseignant. Avec le recul, il croit que c’était parce qu’il avait une revanche à prendre sur beaucoup d’entre eux (mais il en a aussi connu des extraordinaires, dont son instit de CM2 qu’il a revue cette année, presque 40 ans plus tard, à l’occasion de son prix littéraire… Un moment très émouvant.)

On lui avait dit que la voie royale pour y parvenir, c’était la fac de psycho, ce qu’il a fait… il n’y a d’ailleurs pas appris grand-chose. Quand il en est sorti avec une licence trois ans plus tard, non seulement ce n’était plus la voie royale, mais c’était la voie à proscrire. Comme il est du genre à avoir de la suite dans les idées, il s’est quand même présenté au concours de professeur des écoles en candidat libre l’année suivante, et il l’a eu.

Il a passé les cinq premières années de sa carrière dans la Somme, loin de sa Bretagne natale, une période qui l’a pas mal marqué, ce qui ressort dans sa bibliographie (« Fratricide », « Place aux immortels »), puis, il est revenu dans sa ville natale, Saint-Nazaire, où il est toujours vingt ans plus tard.

Le hasard – au moins au début – a fait qu’il s’est très vite retrouvé à assumer une direction d’école, fonction qui lui a beaucoup plu, dans laquelle il s’est investi sans compter (comme pour pas mal de choses qu’il entreprend), mais qui a aussi beaucoup muté en vingt-cinq ans, au point de devenir de moins en moins compatible avec l’enseignement, sa vocation d’origine.

Malgré le temps et beaucoup de choses qui ne s’améliorent pas (euphémisme), il a toujours beaucoup d’amour pour son métier, « mais il est moralement très prenant et j’ai toujours eu besoin d’une échappatoire. Ça a longtemps été le sport, maintenant c’est l’écriture » dit-il.

C’est un sujet d’étonnement constant chez les gens qui lui demandent souvent comment il peut trouver le temps et la force d’écrire des bouquins tout en continuant à assumer la responsabilité d’une école, d’autant qu’elle est très grande. En réalité, il ne perçoit pas l’écriture comme une charge supplémentaire, mais au contraire comme une soupape de sécurité.

Bon, il se peut aussi qu’il soit un peu hyperactif sur les bords, mais ça c’est une autre histoire.

Difficile de répondre à la question sur l’inspiration de l’écrivain. Chez lui, l’inspiration est protéiforme. Pour son premier roman, « Fratricide », elle est venue d’une visite sur un champ de bataille à 2 km de chez lui et d’un cours d’histoire de l’Irlande (in English) à Dublin, dans le cadre d’une formation linguistique pour enseignants. Pour la série « Catharsis », c’est la découverte des ruines des châteaux dits cathares, d’abord dans les années 90, puis réitérée vingt ans plus tard, et la lecture de nombreux ouvrages sur le sujet, qui l’a mené à ce projet gargantuesque. Pour « Place aux immortels », c’est la lecture d’une série de BD de Maël et Kris, Notre-Mère la Guerre, en 2014, puis la découverte du site de l’îlot de la Boisselle, il y a deux ans, qui ont fait le job… Pour les personnages, il s’inspire aussi beaucoup de son expérience personnelle, de ce qu’il entend, des gens qu’il croise, parfois même sans leur parler directement. Il est quelqu’un qui écoute beaucoup.

La lecture et la visite in vivo, y compris de vestiges, demeurent les moteurs les plus puissants. S’il ne peut aller sur les lieux, la lecture devient prééminente et même proéminente. Il se gave de tous les bouquins qui existent sur le sujet, jusqu’à l’overdose, il veut tout savoir.

À la question, « écrire t’est-il venu facilement ? »L’auteur répond : « pour ce qui est d’écrire des trucs sans prétention, oui, ça vient très facilement, peut-être trop ».

Par contre, si on parle de l’ambition d’écrire un livre, là, dit-il, on n’est plus dans le même paradigme. Non, ce n’est pas facile, très loin de là. Pas quand on est extrêmement exigeant avec soi-même comme il l’est, en tout cas. Il faut de la volonté, de la patience, de l’acharnement, et ne pas craindre de mettre et remettre l’ouvrage sur le métier, encore et encore.

C’est d’autant plus difficile que Patrice Quélard est un planificateur et un besogneux (et ça ne s’arrange pas avec l’âge). Rien de ce qu’il écrit n’est dû au hasard : ça coche toujours les cases d’un projet à la fois dans l’intention, le contenu et la forme.

Quelquefois, le travail (de recherche, d’introspection, « d’extirpation ») est si exigeant que ça en devient une souffrance. Mais il y a d’autres moments de jubilation, et parfois même la jubilation vient juste après la souffrance. C’est un peu sado-maso, en fait.

Parfois, le découragement pointe son nez… heureusement, jamais pour bien longtemps en ce qui le concerne (mais c’est un travail de longue haleine pour en arriver là… le découragement a d’abord trop souvent gagné pendant ses dix premières années de tentatives).

Pour lui, le meilleur moment de l’écriture, ça reste après, quand il a réussi à sortir ce qu’il voulait sortir, qu’il a relu et qu’il est content du résultat. Il se sent libéré d’un poids. Et aussi, de relire des textes qu’il a écrit il y a quelques années, et de se rendre compte que malgré le fait qu’il ne soit plus tout jeune, il a progressé. L’écriture, c’est la revanche des vieux !

L’auteur nous dit qu’il a besoin de consulter sa biblio pour connaitre le nombre de livres qu’il a écrit. Ce qui veut dire, a priori, que ça commence à faire un paquet.

Il nous invite à se joindre à lui pour faire le point sur ses livres.

Il a écrit six romans, cinq historiques et un de science-fiction. Le sixième, « Les incorrigibles », suite directe de « Place aux immortels », sortira chez Plon le 3 mars 2022.

Il a écrit quatre livres de jeunesse. Le quatrième, « Les rebelles d’Héliandras », sortira au printemps 2022 chez Beurre Salé.

Il a écrit trois recueils de nouvelles, auto-édités parce que les lecteurs français rejettent massivement cette littérature « courte », et dit-il, « si tu veux mon avis, ils ont tort. Mais c’est comme ça, et par conséquent il y a très peu d’éditeurs de nouvelles en France, et ils sont confidentiels ».

Il a écrit une pièce de théâtre.

Il a scénarisé quatre bandes-dessinées de courts strips humoristiques avec un ami illustrateur.

Enfin, il a participé à quinze anthologies de nouvelles avec d’autres auteurs, essentiellement dans les littératures dites de genre (fantastique et science-fiction). Une période de sa vie qu’il ne regrette pas et qui lui a beaucoup appris, mais qui est a priori terminée pour lui.

Patrice Quélard est un très grand dévoreur de bouquins d’à peu près tous les genres et sur à peu près tous les sujets. Sa consommation atteint des pics entre deux sessions d’écriture, car depuis qu’il a réussi à écrire des romans en un temps réduit (45 jours pour « Place aux Immortels », 72 jours pour « les Incorrigibles »), l’écriture utilise tant d’espace de cerveau disponible qu’il n’y a quasiment pas de place pour autre chose sur cette période. Autres pics notables : les phases de documentation avant de passer à la rédaction d’un roman. Là, on touche à la goinfrerie… ou au gavage.

Il précise que cet amour des livres lui est venu tardivement. Jusqu’à l’âge de 25 ans environ, il lisait en vérité très peu (en dehors du dictionnaire sur lequel il passait des heures, en cette ère pré-internet), alors même qu’il est issu d’un milieu familial où le livre était valorisé. L’analyse qu’il peut en faire aujourd’hui, c’est que l’Éducation nationale a joué un grand rôle dans ce rejet de la littérature, en ne sachant pas l’y intéresser, et notamment en lui imposant des lectures pour lesquelles il n’avait pas l’intérêt ou la maturité nécessaires.

Sinon, il a beaucoup d’affection pour les quelques petits calotins qui osent affirmer qu’ils n’ont pas besoin de lire pour écrire, voire qu’ils ne veulent pas parce qu’ils ont peur que ça les « influence ». Oui, il a de l’affection pour eux parce qu’ils le font rire, et le rire, c’est important. Par contre, il n’ira pas perdre son temps à essayer de lire une de leurs œuvres.

La majorité de ses romans étant des romans historiques (et pas uchroniques), c’est peu dire qu’il s’inspire de la réalité. La réalité et le réalisme sont même des obsessions qui transpirent dans toutes ses pages. Si ce n’était pas le cas, Il se considérerait comme un imposteur.

Nous écrivons ce que nous aimons lire, dit-il et ce qu’il aime lire au-delà de tout le reste, ce sont les romans qui atteignent un tel niveau de réalisme qu’on est dans l’immersion totale et qu’on s’oublie littéralement. Qu’on voit le film défiler devant ses yeux. La moindre invraisemblance peut briser cette magie si ténue, si difficile à concocter.

Pour s’approcher au plus près de cette réalité, y compris de celle d’un autre temps, la documentation est maîtresse, et permet de recourir à des anecdotes auxquelles même l’écrivain le plus imaginatif ne pourrait jamais songer. Le meilleur roman de tous, c’est de loin la réalité, et aucun écrivain ne pourra jamais l’égaler, dixit l’auteur.

Cela ne veut pas dire que ses romans soient des documentaires ou des copiés collés de la réalité, loin de là. Entre les soubresauts de l’Histoire, dans les interlignes, dans les trous et les zones d’ombre des manuels, des thèses et des témoignages, il y a de la place pour le romanesque, et même beaucoup, à cette condition que l’on soit assez imprégné de la réalité pour ne pas la trahir quand on se permet d’extrapoler.

Il serait bien malhonnête de sa part de prétendre que son écriture n’est pas influencée par d’autres auteurs. Elle l’est forcément, mais de façon inconsciente, car il est bien incapable de donner des noms, en dehors d’éventuels procédés narratifs. Par exemple, c’est en lisant « Game of Thrones » de G.R.R. Martin qu’il a décidé de la structure narrative chorale de sa série « Catharsis …».  Ce qui ne veut sûrement pas dire que Martin soit le seul, ni même le premier à l’avoir utilisée.

Des retours qu’il a de nombreux lecteurs, il semblerait qu’il ait quand même un style bien à lui et assez aisément reconnaissable, ce qu’il considère comme une bonne nouvelle. Cela doit vouloir dire qu’il a réussi à dépasser – ou sublimer – ses influences inconscientes pour trouver sa propre singularité, nous dit-il.


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